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Une fille en hiver – Philip Larkin – EEEE

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Avertissement – Article d’une stupidité abyssale. Je prie les lecteurs habituels de me pardonner, j’ai passé une mauvaise journée. Quant aux autres, je les informe que cet article ne reflète pas la haute tenue intellectuelle de ce blog. Encore heureux.

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Une fille en hiver est l’occasion d’aborder le sujet de l’hiver. J’ai l’à propos aussi vigoureux qu’une truite remontant l’Idaho. J’espère de tout cœur que l’Idaho est un fleuve.

Il est coutume en nos latitudes septentrionales que l’hiver survienne à basse température, nul ne songerait à remettre en cause ce principe fondateur des civilisations tempérées, pourtant cette idée a une histoire. L’histoire d’une idée est souvent beaucoup plus intéressante que l’idée elle-même, lorsque j’écris « Ceci n’est pas une pipe » je formule une pensée si aride que le lecteur moyen, et par moyen je n’entends pas doter d’une intelligence médiocre mais raisonnable, mais circonspect, éprouvera devant ces mots une contrition bien naturelle : sa fierté de roseau pensant est touchée, on lui impose une vue qu’il ne saurait admettre sans renoncer à son libre arbitre. Il n’en va pas de même d’une histoire qui présente l’avantage d’être racontée, elle a un début, une fin, des bons bulaires et des méchants patibulaires, ses retournements font vibrer les cordes sensibles plutôt que les articulations raisonneuses, le cœur est pris. « Ceci n’est pas une pipe » est une idée. « Monsieur Magritte, qui ne fumait pas que du tabac, révéla un jour à son toutou microcéphale que ce qu’il tétait le soir à la lueur des néons n’était pas une pipe. De désespoir, le toutou microcéphale se jeta sous les roues d’une voiture» est une histoire, la différence est considérable. D’un côté, l’esprit se révolte étouffant la moindre possibilité d’amour, de l’autre le cœur est saisi de pitié face à la détresse du gentil clébard. Revenons à nos moutons Bernadette.

L’hiver remonte au jurassique, période bénie de l’humanité velue. Le temps n’existait pas alors, les sapiens n’avaient pas de montre, ils rataient souvent le bus et maudissaient le sort en criant à la lune des borborygmes que la morale réprouve. Robert Charlebois, australopithèque si commun qu’un tel degré de médiocrité ne s’incarne qu’une fois par siècle, généralement à l’occasion d’élections présidentielles dans les démocraties conchylicoles, sortit un jour de la grotte bien décidé à ramener pour le dîner un gigot d’agneau ou une banane flambée, c’était un adepte convaincu de nouvelle cuisine. Le ciel était bleu, les nuages étaient bleus, bleues étaient les extrémités dépourvues de poils du brave hominidé. Il faisait un froid glacial, de petits glaçons tombaient des branches, dans l’air sec le moindre tintement résonnait alentours. Fort heureusement, hormis la couleur disgracieuse de ses appendices tumescents, Robert n’avait aucun sujet de préoccupation valable, son esprit était ouvert à tous vents, sa conscience libérée du fardeau de la culpabilité, il sifflotait un air gai, The Sound of Music quelques trente trois siècle avant Julie Andrews. Il était prêt à batifoler, l’âme plate comme une sole meunière.

Aux détours d’un sentier, il aperçut derrière le givre d’un buisson la figure énamourée d’un faune. Le faune radio dardait sur l’hominicule une prunelle humide. Vêtue en tout et pour tout d’un costume Kenzo, sa silhouette découpait une pomme dans l’ombre opalescente du branchage. Une pomme surmontée d’un col roulé, Steve Job en gros. Robert ne montra aucun signe extérieur de richesse intérieure et allait passer son chemin quand l’olibrius se précipita vers lui en hurlant des insanités « Sale type ! » « Casses toi pauvre con ! » « Nadine Morano ! » « Suppositoire ! ». L’honnête sapien qu’une démonstration d’amour aussi débordante n’effraya pas outre mesure, l’incube mesurait 1m53 avec talonnettes, souleva un pied de la taille d’une Twingo et envoya l’affreux dans les airs. Suivant des yeux la trajectoire céleste du petit Nicolas, le bipède remarqua que le soleil s’était déplacé par rapport à la cime du plus haut des cocotiers, il brillait désormais sur la droite antilibérale. Comme il n’était point con, Robert comprit que la durée de son trajet, depuis son départ de la grotte jusqu’à sa rencontre avec le nain, pouvait être mesuré grâce à l’angle que formait le tronc du palmier et l’hypoténuse du capitaine. Son cœur frémit d’allégresse, il venait de découvrir le temps. C’est-à-dire le calendrier, c’est-à-dire les horaires de bus. A ces pieds une fleur dans sa prime jeunesse étalait une timide splendeur, c’était un lys et il était vert.

Afin de célébrer chaque année cette glorieuse journée, Robert Charlebois résolut de l’appeler « Le jour du lys vert ». Par extension, la horde pris l’habitude de nommer « Temps de lys vert » la période durant laquelle l’oignon somptueux maintenait les pétales dans sa gangue. Robert marqua cette période dans le calendrier qu’il venait d’inventer. Depuis, il fait froid en hiver.

Les plus férus d’étymologie, ils sont nombreux dans les soirées de l’ambassadeur, ne manqueront pas de me faire remarquer que cette histoire est idiote, on peut en effet fort judicieusement se demander quel est le rapport entre ce « Temps de lys vert » et l’hiver tel que nous le connaissons aujourd’hui ? Si la question est judicieuse, la réponse l’est encore plus. Ce rapport est manifesté en l’an de grâce 1515 après Régine par Léonardo da Vinci Code, célèbre vieux françois à la langue bien pendue. Ce dernier ne s’exprimait qu’en un vieux français distingué, il omettait de prononcer le « s » final des mots, c’est ainsi qu’il mit à la mode la locution « Temps de liver ». L’académie française, soucieuse de compliquer l’apprentissage de l’orthographe ajouta un « h » muet devant « iver » et coupa malencontreusement le mot après le « l », on suppute une étourderie du copiste. Les férus font moins les malins.

Une fille en hiver est un roman anglais, il ne s’y passe donc rien de remarquable. Une jeune fille réfugiée en Angleterre pendant la seconde guerre mondiale se souvient du séjour linguistique qu’elle y a effectué 6 ans auparavant. Dans une famille typiquement anglaise, le garçon se retient, la fille non, les parents regardent avec indulgence tandis que la petite étrangère coincée entre les deux ne sait pas trop s’il faut dire « Bonsoir » ou « Je t’aime ». Ecrit par un poète, le plus important de la seconde moitié du vingtième siècle d’après le Times, le roman est l’introspection d’une âme délicate. Et c’est merveilleux. Roman impressionniste, la journée de la jeune fille dans les rues glacées par l’hiver rappelle une autre errance bien plus célèbre, celle de Mrs Dalloway. Tout est assourdi par le froid, le gel, la partie centrale du livre est consacrée par contraste au séjour ensoleillé qu’elle passa dans la famille de celui dont elle attend la venue, période d’insouciance, de joie mesurée, les anglais n’aiment pas les éclats, enfin dans la troisième et dernière partie, c’est le retour de l’hiver, des illusions peut être pas perdues mais ternies définitivement.

Une jeune fille en hiver est un grand roman, il a une petite musique bien à lui, le style exauce l’intensité des moments anodins, il y a du Tchekhov, du Henri James dans ses pages, ce n’est pas un petit compliment. EEEE.

Edouard.

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