La psychologie permet-elle d’atteindre le réel ? Question facile et d’intérêt médiocre, non évidemment et cela n’est pas bien grave, le réel est qualité négligeable aujourd’hui, un objet dans l’ordre de la réalité ne contient pas plus de vérité que le fantasme personnel, le vrai est insaisissable car il n’est plus lié au réel, rupture consommée depuis longtemps déjà et dont …
Ah Dieu ! que la guerre est jolie Avec ses chants ses longs loisirs Cette bague je l’ai polie Le vent se mêle à vos soupirs Apollinaire. La guerre est une sale affaire, elle n’est jolie que dans les vers d’Apollinaire, encore faut-il les lire le soir au coin du poêle ou sous la lune blanche, la poésie s’accommode des morales …
La misère est de ne pas manger à sa faim, la simple pauvreté n’y suffit pas, il faut être revenu de tout et d’abord des besoins de son propre corps pour y tomber, elle touche les désespérés et les écrivains maudits. Les œuvres de l’esprit ont ceci de spirituel qu’elles ne remplissent que les âmes, il faut en avoir une …
La maison hantée est vide, c’est son propre et son figuré, on la trouve au bout d’une impasse, des volets clos sur son œil de bœuf émane un air triste et sempiternel, on la croit abandonnée, elle est juste négligée par ses habitants qui n’ont pas la forme pour saisir un balai et une serpillière. L’habitant d’une maison hanté est …
La Maison vide est le grand roman de la rentrée, il est gros aussi, d’une dimension propice à l’éventaire des qualités d’écrivain, l’ambition littéraire se mesure parfois à l’échelle du trivial, le génie est dans la taille car le pavé résiste mieux à l’érosion. Laurent Mauvignier écrit aux ciseaux de sculpteur de longues phrases qu’on voit se dessiner dans la …
Charlotte Brontë est anglaise, elle porte une robe longue, des cheveux plaqués en bandeaux luisants autour d’un front d’albâtre, un air de sagesse presbytérienne répandue sur des traits durs que percent les yeux bleus, trouées fantasmatiques faisant deviner la lumière à la façon de ces lanternes magiques qu’on dispose au chevet des petits enfants, la combinaison est curieuse, les rigueurs …
Les fins de ligne réservent des surprises, c’est le bonheur du pêcheur, il tire parfois au bout du fil une tanche majestueuse qui le distrait de ses pensées suicidaires. Les tanches du jours sont Louis-Henri de La Rochefoucauld et Thibault de Montaigu, elles sont aussi majestueuses que leurs patronymes, fins de ligne d’une espèce particulière, de celle qu’on trouve dans …
La fin du monde est pour demain, le ciel le proclame, France Inter aussi, la concordance des augures est un signe ; les scatologies positives du progrès. Il pleut car l’homme pète, l’apocalypse est une aérophagie, c’est la nature étouffée par les gaz d’une civilisation moderne, les scientifiques le proclament, et Salomé Saqué. Cette dernière est le fard de notre temps, …
Avant la longue flamme rouge est un bout de vers, d’Euripide, nul besoin de le savoir pour apprécier le roman de Guillaume Sire. Ce bout termine le distique tiré des Troyennes que l’auteur a placé en exergue de son roman, c’est dire la hauteur du patronage, la tragédie sera grecque, iambique et dodécaphonique, question de rythme. Phnom Penh est Troie, …
Je ne connaissais Rousseau que par incidence, ne l’ayant jamais lu autrement que dans de brefs extraits ou déjà remâché par d’autres dans des articles souvent critiques, le penseur que je devinais me laissait froid, de cette sorte de glace dont on fait les opinions définitives, son idée de l’homme me semblait bête et malheureuse, et d’autant plus malheureuse qu’elle …
La montagne est le lieu de l’alpinisme. On y trouve des animaux de formes et de poils variés, le gypaète barbu, la marmotte et Sylvain Tesson. Parfois un migrant de couleur grise que l’envie d’ailleurs, ou sa nécessité, pousse vers le col, son regard fuit autant qu’une calebasse, la majesté du paysage ne l’impressionne pas, la beauté n’attendrit que les …
Echenoz est bon débutant, il commence toujours ses romans par un chapitre fort, jaculation précoce suivie de rien, c’est-à-dire à peu près n’importe quoi. C’est le propre des enthousiastes, ils croient toujours que le premier mouvement suffit à entraîner la roue, que l’impulsion initiale recèle suffisamment de vigueur pour enlever un autre tour, allégresse de cycliste, la littérature n’est pas …
Rares sont les livres qui atteignent à l’orbe du Rivage des Syrtes de Julien Gracq, du moins dans ma galaxie personnelle, ils sont peu nombreux ces romans qui étoilent un firmament que l’ombre habite avec d’autant plus de facilité que sa noirceur s’exaspère des brillances qui la transpercent, Les Hauts-quartiers de Paul Gadenne, les Chroniques de Vialatte, Voyage au bout …
Le comte de Monte-Cristo est vengeur, il est masqué et vengeur, c’est le propre des hommes tristes que la publicité rebute, Zorro, Batman, Calimero. Leur tristesse découle de l’expérience, elle s’arrime à la laideur morale des sociétés humaines. Déçus par l’homme et ses manœuvres, blessés dans leur orgueil par de plus mauvais qu’eux, ils réchauffent au creux de leur âme …
La vie des abeilles est passionnante, elles naissent, butinent et meurent en gros, c’est le détail qui passionne. Le détail nous est donné par Maeterlinck, auteur belge connu grâce à Debussy, la littérature est affaire de musique, regardez Bob Dylan1. Les vrais écrivains aiment les insectes, Jean-Henri Fabre a écrit toute sa vie à propos des routines du scarabée et …
Olivier Norek écrit des thrillers, c’est-à-dire des romans policiers dont le drame est un suspens et le ressort la violence, le suspens s’entretient comme un jardin japonais, à grands coups de râteau pour conserver la linéarité de l’intrigue, la violence interrompt parfois le sillon pour ouvrir de nouvelles perspectives, le lecteur s’étonne, l’auteur retient ainsi son attention. Le thriller nordique …